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Analyse de l’article 6 de la Constitution citoyenne du Québec du 29 mai 2019 traitant des croyances

grandheron

Ceci est la cinquième chronique d’une série visant à étudier la Constitution citoyenne du Québec, produite par le mouvement « Constituons ! » et publiée le 29 mai 2019 sur le site de l’Institut du Nouveau Monde.


Nous allons examiner l’article 6, du premier chapitre intitulé Des droits et devoirs fondamentaux.


Voici le libellé de cet article :


6. Chaque personne a droit à la liberté de conscience, de religion, de philosophie, de conviction et de croyance, ainsi qu’à l’absence de croyance.


Chaque personne a le droit de pratiquer librement sa propre religion, dans le respect de la laïcité de l’État.


Analyse :


L’article 6 que proposent les constituants est moins détaillé que ce que prévoient la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques :

Article 18 de la DUDH de 1948
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.
Article 18 du PIDCP
1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu'en privé, par le culte et l'accomplissement des rites, les pratiques et l'enseignement.
2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix.
3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui.
4. Les États parties au présent Pacte s'engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions.

Les constituants québécois proposent de protéger absolument "la liberté de conscience, de religion, de philosophie, de conviction et de croyance".


Mais ils revendiquent simultanément que soit imposée une limitation claire à la "pratique des religions".


Ils nous informent du fait que cette limitation claire est le devoir de respecter la laïcité de l’État.



Comparaison entre l'article proposé par les constituants québécois et la DUDH:


Si nous comparons l'article 6 des constituants avec la DUDH, nous observons les différences suivantes:


Les constituants utilisent l’expression « liberté de philosophie, de conviction, de croyance et d’absence de croyance » au lieu de « liberté de pensée ».


Ils ne font aucune mention explicite de la « liberté de changer de religion ou de conviction », mais ils protègent implicitement ce droit dans le libellé qu’ils ont choisi.


Les constituants ne donnent pas une liberté absolue de manifester une religion ou une conviction, comme le fait la DUDH « seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites ».


Au contraire, ils encadrent le droit de pratiquer la religion en établissant que chaque personne doive le faire « librement ».


Ils requièrent de plus que chacun s'abstienne de contrevenir à une obligation jugée supérieure : celle de « respecter la laïcité de l’État ».



Comparaison entre l'article proposé par les constituants québécois et le PIDCP:


Il n'y a qu'une légère différence entre le premier alinéa de l’article 18 du PIDCP et l’article 18 de la DUDH.


Cette distinction se trouve dans le fait que la DUDH utilise l’expression « liberté de changer de religion ou de conviction », alors que le PIDCP parle plutôt du « droit d’avoir une religion ou une conviction de son choix».


Par conséquent, l’analyse comparative que nous avons faite pour la DUDH demeure à peu de chose près valable pour le premier alinéa du PIDCP.


Le 2e alinéa du PIDCP semble donner une protection supplémentaire à la liberté de croyance prévue dans la DUDH en ajoutant que « nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à la liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix ».


L’article préconisé par nos constituants ne donne pas cette protection supplémentaire en tant que telle, mais ne la contredit pas non plus à condition que nous restions dans le domaine de la "liberté de croyance".


Il en va de même avec le 3e alinéa du PIDCP, prévoyant que « la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l'ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d'autrui ».


L’article préconisé par nos constituants n'insiste pas pour "promouvoir l'exercice des religions", comme le fait un peu ce 3e alinéa du PIDCP, mais il ne le contredit pas pour autant.


Le libellé choisi par nos constituants ne s'oppose pas davatage 4e alinéa du PIDCP.


Il respecte donc la liberté des parents de « faire assurer l'éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions ».


Mais il limite cependant le caractère absolutiste de cette protection en rappelant simplement qu’elle doive se conformer à celle prévue au 3e alinéa du PIDCP et à ce que nos expériences et connaissances actuelles en matière de droit universel permettent de comprendre.


Ainsi, les constituants québécois proposent de limiter non pas la croyance religieuse en tant que telle, mais bien la manifestation publique de la croyance religieuse.


Ils ont raison de préconiser que la laïcité de l’État doit l’emporter, car c’est bel et bien la manière optimale (et probablement la seule manière) de véritablement respecter le droit de chacun aux croyances religieuses de leur choix en même temps que le droit à l’absence de croyance religieuse.

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